Propos recueillis par Adama Wade/

La question de la fiscalité a dominé la troisième Confèrence sur le financement du développement tenue  à Addis Abeba du 13 au 16 juillet 2015. Pour le Bissau Guinéen Carlos Lopes, vice président de l’ONU et secrétaire général exécutif de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique, cette rencontre a jeté les bases d’un nouveau débat.

Que retenir de cette grande Confèrence internationale sur le financement du développement au delà du scepticisme de la société civile ?

Il faut considérer cette conférence comme une étape. Le texte qui a été adopté offre plusieurs pistes propices à l’action. L’importance d’une telle réunion est de définir des étapes. Comme on a eu à le constater, le débat actuel est complètement différent de celui qui avait cours en 2002 à Monterry. A l’époque, la question était de savoir quelle part du produit brut national  des pays riches faudrait-il consacrer aux pays en développement. On l’a d’ailleurs bien vu, le fait d’avoir un texte qui affirmait l’importance de l’aide au développement n’a pas permis une augmentation significative de celle-ci. Donc ce n’est pas le document qui définit le résultat final.
Par contre, le débat actuel porte sur les taxes, l’évasion fiscale, le financement au sens large, les ressources domestiques et le besoin d’aligner un certain nombre de flux financiers non traités avec transparence. On a gagné un nouveau débat à Addis Abeba. Cela dit, rien n’empêche l’Afrique d’avoir son propre agenda et de pousser aux changements majeurs dans divers domaines dont la fiscalité.

Justement, s’agissant de l’Afrique, on ne l’a pas bien sentie dans le G 77?

Il y avait une difficulté d’ordre pratique. L’Afrique a travaillé d’avance sur un document en adoptant une position commune. Cela nous a servi au départ mais à l’arrivée cela nous a desservi. Nous n’avons pas innové au fur et à mesure. A l’avenir, il faudra peut être affiner le système de négociations. D’autre part, le G77, présidé par un pays  africain, mettait le continent dans une position difficile. On ne pouvait pas utiliser cette présidence pour faire avancer notre agenda. Il a fallu un compromis nécessaire pour concilier toutes les positions.

Concernant la fiscalité, l’on a vu des pays comme l’Australie, les USA et la Grande Bretagne, pour n’en citer que ceux-ci, se montrer favorable à une certaine transparence fiscale mais tout en s’opposant à la mise en place de la   Tax body au niveau de l’ONU?

La question de la fiscalité est à l’ordre du jour. Chacun a sa propre démarche en la matière. Il y a l’initiative du G7, du G8, des Etats-Unis au niveau de leur sénat etc.  Il y a un intérêt nouveau pour cette question transversale. L’Afrique n’a pas été prise au dépourvue grâce en partie  au rapport Tabo Mbeki. Ce document a pesé énormément dans les débats et les langages. L’Afrique a fait un travail unique sur cette question des flux financiers illicites désormais prise en compte. Au final, ce qu’il faut retenir c’est une nouvelle conception du financement du développement. La centralité de l’APD n’est plus de mise.

Peut-on considérer la mise en place du nouveau cadre des Objectifs de développement durable comme une avancée ?

Les ODD peuvent jouer un grand rôle mais il ne faut pas mettre l’enthousiasme avant la rèalité. Avec une plateforme universelle de 164 critères, il est clair que la différence viendra de l’évaluation et du reporting de chacun des 193 pays qui ont participé à ces négociations. L’Afrique doit domestiquer les ODD et non l’inverse. Il faut avoir sa propre stratégie vis-à-vis de ce cadre et dialoguer avec les partenaires. Les pays doivent définir leurs propres cadres. Nous ne sommes plus dans les OMD.

Finalement combien de personnes ont participé à cette Confèrence ?

Nous sommes fiers d’avoir travaillé avec l’Ethiopie dans la rèussite de ce sommet. Il y a eu 11 200 inscrits à cette Confèrence, l’une des plus importantes organisées ces dernières années en Afrique. Beaucoup de délégations étrangères ont été surprises par le niveau d’organisation et la qualité des infrastructures de l’Ethiopie. Les 200 side-events se sont tous déroulés dans les meilleures conditions en coordination avec les plénières. L’Ethiopie a offert aux yeux du monde la réalité de la nouvelle Afrique. C’est aussi l’un des acquis de cette Conférence.